jeudi 20 novembre 2008

Détails de l'opération

J'ai pensé ajouter des détails sur l'opération que j'ai eue. Je suis peut-être un peu nombriliste, mais que voulez-vous, je trouve "mon" opération fascinante.

La chirurgie transsphénoïdale n'est pas très nouvelle, mais elle est plutôt spectaculaire. En gros, il s'agit d'insérer un endoscope par le nez (sorte de microscope médical), percer le sinus sphénoïde à l'arrière du nez, puis finalement percer l'os sphénoïde vis-à-vis de la selle tursique (la petite poche osseuse dans laquelle repose l'hypophyse à la base du crâne).





L'image suivante représente le macroadénome (pituitary tumour) qui déborde de l'espace normalement occupé par l'hypophyse. Ma tumeur débordait surtout du côté droit. (N.B. "Pituitary gland" est l'hypophyse et "Sinus cavity" indique le sinus sphénoïde, et non le sinus caverneux).




A partir de la veille de l'opération, et ce pendant 5 jours, j'ai été traité avec deux sortes d'antibiotiques afin de prévenir une infection des méninges pendant l'opération. Le chirurgien ne favorise pas cette approche, mais le grand boss Professeur Wass préfère ça. C'est pas moi qui vais me plaindre. Quand on y pense, arriver avec des instruments qui passent à travers le nez et pénétrer dans le cerveau... Vaut mieux plus de précautions que pas assez.

Le chirurgien a fait face à un problème quand il a essayé d'enlever la tumeur qui débordait dans le sinus caverneux. En fait, le sinus caverneux est situé de chaque côté de l'hypophyse. C'est un espace rempli de plusieurs veines, nerfs et par où passent les artères carotides. C'est donc une structure très délicate. Dans mon cas, la tumeur avait envahi cet espace. C'est en enlevant la tumeur à cet endroit que le chirurgien a provoqué une perte abondante de sang. C'est une des premières choses qu'on m'a dites dans la salle de réveil: j'ai perdu tout près de 1.5 litre de sang pendant cette phase de l'opération. Mon niveau d'hémoglobine est passé de 13.5 à 9.1. Ils ont considéré une transfusion de sang, mais ont décidé d'attendre 24 heures pour voir comment les choses allaient progresser. Le lendemain mon hémoglobine est montée à 10.1, puis à 11.1 le surlendemain. (la normale est entre 13 et 15 g/dl).

L'autre problème que le chirurgien a eu pendant l'opération a été une fuite du liquide céphalo-rachidien (LCR). C'est le liquide dans lequel baigne le cerveau. En fermant l'orifice entre le cerveau et le sinus sphénoïde, du LCR s'échappait. Alors le chirurgien a utilisé la méthode courante pour obturer la fuite: il a pris un morceau de gras juste sous mon nombril et l'a appliqué sur l'orifice. Vive la haute technologie!!! Voilà qui explique mes 5 points de suture sous le nombril. J'ai lu un peu sur ce sujet depuis, et des chirurgiens américains suggèrent même de remplir la totalité du sinus sphénoïde avec ce genre de greffe de tissu adipeux. Je ne sais pas si c'est ce qu'a fait mon chirurgien, je vais lui demander quand je le verrai. J'aimerais bien savoir ce qui se passe après. Est-ce que tout ça sort par la narine? Yerkkkk...

La dernière étape de la chirurgie a consisté à mettre un espèce de tampon dans ma narine droite pour absorber le sang. Pas très confortable, mais c'est mieux que rien. Dans la salle de réveil, malgré ce tampon, du sang a coulé pendant de nombreuses minutes. Ils ont fait revenir le chirurgien au bout d'une heure. Il a regardé ça puis a dit, pas très impressionné,: "C'est du sang veineux, pas de problèmes, ça va arrêter d'ici quelques heures". Effectivement, l'écoulement a cessé vers la fin de l'après-midi. Le tampon a été retiré de la narine 24 heures plus tard, à mon grand soulagement. Mais je ne m'attendais pas à ça: il mesurait environ 4 pouces de long...

Pour ce qui est des complications post-opératoires, on m'avait averti d'avance. Comme la chirurgie est assez drastique, les possibilités d'endommager l'hypophyse normale sont assez importantes. D'ailleurs le chirurgien ne s'en est pas caché. Il disait préférer enlever un peu de tissu hypophysaire sain plutôt que de laisser trop de tumeur en place. Au besoin, le traitement subséquent avec des hormones de remplacement est une solution jugée acceptable.

La complication la plus fréquente dans les cas comme le mien est l'apparition du diabète insipide. Le diabète insipide est caractérisé par l'excrétion de grandes quantités d'urine très diluée, accompagnée d'une soif intense. Suivant une opération à l'hypophyse, il est possible que l'hormone antidiurétique (ADH ou vasopressine) soit libérée en trop faible quantité. On m'a donc restreint à boire un maximum de 2 litres de liquide par jour pendant les 48 heures suivant l'opération, et on a mesuré mes urines. Naturellement, ne pouvant pas respirer par le nez, j'avais la bouche sèche et j'avais soif. Les premiers 24 heures, j'ai uriné 3.5 litres ce qui a inquiété l'endocrinologue. Le deuxième 24 heures, j'ai uriné 2.5 litres. Pour se rassurer, ils ont continué à mesurer mes urines pendant un autre 24 heures, mais tout est rentré dans la normale. Ouf!

Lors des deux derniers jours à l'hôpital, j'ai subi des test sanguins pour déterminer si le taux de certaines hormones importantes de l'hypophyse était normal: entre autres le cortisol et la thyréostimuline (TSH). Finalement, ils ont aussi mesuré les niveaux des hormones thyroïdiennes T3 et T4. Le cortisol était sous la normale le jeudi ce qui pouvait être un signe d'hypopituitarisme, mais normal le vendredi. Le reste est apparu normal. Soulagement...

Pour terminer, un peu d"humour médical:

Deux jours après l'opération, le résident chirurgien est venu me voir et après quelques questions, il m'a dit que du côté chirurgie, ils en avaient fini avec moi: "Si ça ne tient qu'à nous, tu peux partir à la maison tout de suite. Mais tu vas devoir attendre que nos collègues endocrinologistes en aient marre de te faire des prises de sang!"